Regard d’une interne

« Mon implication et mon expérience dans le cadre d’une organisation pluri- professionnelle face à une crise sanitaire »

Le vendredi 2 septembre

Dilan YILDIRIM, étudiante en médecine, a été interne niveau 1, à la MSP barséquanaise auprès des Drs Beaufort, Trapenanrd et Mir de novembre 2019 à juin 2020.

 

Extrait de son « Journal de Bord », Université de REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE, Département de Médecine Générale.

 

Ce document est publié avec son autorisation. Nous soulignons de notre côté l’apport majeur de cette interne par son énergie, sa capacité à faire le lien entre les PS, sa bonne humeur constante qui ont été déterminants dans le succès de la structuration et de la mise en place de notre filière COVID.

Extrait du journal de Bord de Mme Dilan Yildirim

Famille de situation abordée : Professionnalisme et organisation pluri-professionnelle.

Je souhaite parler de mon expérience avec la COVID19 et de l’exemplarité de l’organisation qu’il y a eu dans la maison de santé dans laquelle j’étais en formation.

 

Dès l’annonce d’un virus appelé Coronavirus SARS COV 2 circulant en Europe, il a été décidé de ne plus se faire la bise au sein de la maison de santé et de ne plus serrer la main aux patients. De plus devant un patient ayant des symptômes de toux et de fièvre, nous portions un masque chirurgical.


 

Rapidement, de peur de manquer de masques, nous avons décidé de garder et mettre de côté les masques chirurgicaux déjà utilisés.


 

Le jeudi 12 mars, le président de la République a annoncé la fermeture des écoles prochaines à partir du lundi 16 mars. Pris de cours, le lendemain (vendredi 13 mars) nous nous sommes tous questionnés à savoir sur comment s’organiser pour les semaines à venir, sur ce que disent les journaux, puis nous nous rendons compte que des rumeurs de confinements et couvre-feux circulaient sur internet. Les informations rapportées par un médecin italien de la MSP sur ce qui se passait dans le nord de l’Italie et d’un second médecin de la MSP très durement impacté dans sa famille proche dans le Haut-Rhin nous a fait prendre la mesure de ce qui se passait.


Un de mes maîtres de stage a créé un groupe WhatsApp le samedi 14 mars incluant tous les professionnels de santé du cabinet et ceux du territoire de la future CPTS (kinésithérapeutes, infirmier(e)s, médecins, psychomotricienne, pharmaciens, préparateurs en pharmacie, secrétaires, sages-femmes). À partir de là une dynamique s’est créée sur une nouvelle organisation.


Sur place avec un de mes maîtres de stage, nous avons dès lors préparé la réunion, créé des affiches et commencé à vider les chaises des salles d’attente pour n’en laisser que 4 par salle d’attente.


 

Une réunion expresse a été décidé le lendemain dimanche 15 mars de 10h à midi. Nous étions une 20 aine de personnes; nous avons évoqué les problématiques suivantes :

  • comment faire face à la pénurie de masques et de gels hydroalcooliques ?
  • quelles tenues de protection adopter et pour quelles consultations ?
  • comment nous organiser pour éviter le contact entre les malades suspects et les non-malades présumés. Un bureau (initialement prévu pour les consultations infirmières dans le cadre de l’association Asalée) avec une petite salle d’attente avec entrée sur l’extérieur fut parfait pour cette « filière Covid ».
  • discussion sur l’annulation des permanences des horaires des infirmières, elles iraient ainsi directement à domicile, limitant ainsi au maximum les contacts des malades entre eux.
  • discussion de l’annulation des consultations non nécessaires notamment kinés, sages-femmes, psychométricienne et orthophoniste.
  • discussion d’annuler tous les rendez-vous de renouvellement s’il s’agissait d’un simple renouvellement, la pharmacie avait ainsi le droit de délivrer directement les médicaments.
  • d’organiser un tri à la maison de santé avec deux personnes sur place, je me suis alors proposée pour la première semaine pour effectuer ce tri tous les jours de 8H à 18H avec chaque demi-journée un autre professionnel de santé qui tournerait sur son temps libre à mes côtés.
  • proposition de mise en place de la téléconsultation ( effective quelques jours après sur la MSP).

Un élément incontournable était d’ organiser un tri à l’entrée de la maison de santé:

  • faire entrer les patients un par un
  • prendre leur température et si pas de température, lavage des mains au gel hydroalcoolique pour tous ceux entrants dans la maison de santé
  • et pour tous patients présentants des symptômes : prendre leurs coordonnées téléphoniques , leur âge, nom prénom et les questionner sur la date de début des symptômes, la présence de symptômes entrant dans les critères du covid : fievre, toux, rhinite, asthénie, dyspnée, diarrhée (plus tard on rajoutera l’agueusie et l’anosmie); la présence de symptômes de comorbidités tels que l’obésité, l’HTA, les défaillances cardiaques, pulmonaires, le tabagisme, le diabète, etc. , la prise de traitement de fond, la prise récente de corticoides ou antinflammatoires , j’ai alors fait un tableau rassemblant les critères à rechercher; toute personne qui avait un des symptômes précédents avait le COVID jusqu’à preuve du contraire et passerait en « filière Covid » avec un masque et un lavage des mains au gel hydroalcoolique

 

Dès le lundi 16 mars 8H nous étions tous prêts :


J’étais au tri des patients à l’entrée de la maison de santé et ce fut une semaine horriblement stressante et intense. Tout d’abord parce que les deux premiers jours, les patients ne comprenaient pas pourquoi nous étions sur le qui-vive, et pourquoi ils n’étaient plus autorisés à entrer pour prendre rendez-vous ou pourquoi leur consultation de renouvellement était annulée.


Certains comprenaient et beaucoup d’autres s’énervaient, mais je leur expliquais qu’il s’agissait d’une pandémie exceptionnelle, sérieusement grave, que nous n’en savions pas assez à ce sujet et que toutes les précautions étaient nécessaires et pour leur bien et de leur santé il leur fallait rester à la maison, à distance des gens et éviter de croiser des gens malades en salle d’attente.


Le mardi 17 mars au soir, le président de la République a annoncé le confinement pour deux semaines et c’est alors dès le lendemain que les choses ont commencé à se calmer, les patients étaient beaucoup plus compréhensifs vis-à-vis de notre organisation.

 

Nous avons eu alors vu un élan de solidarité énorme qui a débuté: des dons en masse de masques chirurgicaux périmés de la part de la population, mais aussi des non périmés de la part des soignants qui ne pouvaient plus exercer (kiné, dentistes), de masques FFP2 périmés de la part des infirmiers, des masques FFP3 de la part des sociétés de désamiantages…


La pharmacie du coin a produit du liquide hydroalcoolique grâce à la formule donnée par l’OMS, ce qui nous a sauvé. Puis des sociétés d’élevage de poulets, mais aussi de peintures nous ont fournis en tenues de protection pour les consultations COVID.
Jamais je n’ai vu une telle solidarité.


Tous les soirs je regardais les chiffres concernant le nombre de cas et de décès, les évolutions des courbes, nous échangions concernant toutes les nouveautés, informations, traitements, symptômes, masques, etc. a toutes heures avec les professionnels de santés sur le groupe Whatsapp et par mails.


Ce fut une richesse au niveau communication mais également une solidarité et organisation inter professionnelles que je n’avais jamais vue. Chaque professionnel était investi, volontaire, apportait son aide gratuitement, contribuait sur son temps libre pour venir aider à faire le triage à l’entrée de la maison de santé, puis pour le rappel des patients suivis à la suite des consultaions covid.

 

Jamais je n’oublierai cette expérience, j’ai réalisé que cette équipe de professionnels volontaires et investis a su spontanément mettre en place une organisation exemplaire adaptée à la crise sanitaire, alors que même le gouvernement n’avait rien annoncé.

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