Article écrit par Jean-Paul Mir
Elle se forme actuellement comme « Patient Expert » dans le champ des addictions. Son témoignage sensible donne à voir un autre regard sur la prise en charge et sur l’accompagnement possible des patients. Un témoignage, ancré dans l’expérience, l’art et le rétablissement. Ce partage de vécu invite à mieux comprendre les difficultés traversées, mais aussi à imaginer de nouveaux liens entre soignants et usagers.
Un récit qui montre un possible à la portée de tous pour recevoir et accompagner ces patients.
Grand merci à Marie-Benoît de s’être prêtée au jeu de cette interview impromptue et à sa relecture !

Vous êtes en formation de Patient Expert en addiction. De quoi s’agit-il ?
« Il s’agit d’une formation d’un an proposée par l’association France Patients Experts Addictions qui me donne des connaissances approfondies sur l’ensemble des addictions. C’est une certification qui permet d’exercer une activité de « patient expert » dans le champ des conduites addictives mais je préfère dire « patient ressource », comme on dit au Québec. L’objectif est d’être force de proposition à partir de mon vécu, de mes expériences d’usagère et surtout de mon parcours de rétablissement ; une ressource complémentaire à ce qui est actuellement proposé de la prévention au soin. »
Pourriez-vous préciser cet aspect pour des professionnels de santé, par exemple ceux de la CPTS Sud-Est Aubois ?
« Oui, bien sûr. Imaginez-moi comme un maillon supplémentaire de la chaîne du soin : en partant de mon propre vécu, de mon « savoir expérientiel », je tente d’apporter un éclairage nouveau sur des zones d’ombres (celles que l’on traverse lorsque l’on est dans une addiction) et je mets des mots sur l’aide que j’aurais voulu recevoir. Les soignants sont parfois démunis face à « nous ». Mon médecin traitant, par exemple, quand je lui ai parlé de mon addiction, m’a répondu : « Non, pas toi… » Je l’ai senti aussi désemparé que moi ; il a dû se renseigner afin de pouvoir m’orienter. En plus de la souffrance que je traversais, seule, il a été compliqué de trouver à qui me confier et demander de l’aide. En soi, c’est une démarche douloureuse qui est souvent sous-estimée. Le soignant ne mesure pas toujours combien ce premier pas est difficile, ni à quel point être reçu maladroitement ou mal considéré peut être blessant. »
Que pourraient faire les soignants différemment, selon vous ? Nous, professionnels de santé de notre territoire, ne sommes pas « spécialistes » en addictologie. Que pourrions-nous vraiment proposer ?
« Déjà, ne pas avoir peur d’accueillir, d’écouter et pourquoi pas chercher des solutions ensemble. Quand un patient vient vous voir, il a déjà franchi une barrière énorme de honte et de peur. Nommer les choses, mettre en mots, dédramatiser, dire : « Ce que vous vivez porte un nom, d’autres le traversent, il y a des chemins pour s’en sortir », ça change tout. Ça rassure, ça humanise. « Et des lieux sont faits pour vous accueillir, vous accompagner… » Ensuite, c’est aux professionnels de connaître le réseau : structures, associations, lieux d’orientation. Moi, je me suis heurtée à plusieurs murs avant de trouver l’accueil et la bonne orientation. Pourtant les lieux existent et font un travail remarquable ! »
Vous parlez souvent de « mettre en mots » et « dédramatiser ». C’est important pour vous ?
« Peut-être qu’il s’agit surtout d’humaniser. En nommant, en écoutant, on sort l’addiction de son statut d’anomalie pour en faire quelque chose de plus gérable. Je suis artiste interprète et j’ai écrit un spectacle musical autobiographique « Amour Drogues et Karaté » qui m’a aidé à accepter et à dépasser mes « sorties de route », mes zones d’ombre. Aujourd’hui, j’apprends à vivre autrement et mieux ! Et quand je monte sur scène, je n’ai plus besoin que de mon envie et ma confiance retrouvées. Quelle liberté ! »
Quel message souhaitez-vous faire passer aux professionnels de santé de la CPTS ?
« N’ayez pas peur des usagers, n’ayez pas peur de ne pas tout savoir et faites appel à d’autres. Mon parcours de rétablissement a été jalonné de belles rencontres de soignants qui m’ont accompagnée au cours de ces 7 dernières années : psychologue, addictologue, généraliste, infirmier/ère, secrétaire médicale… autant de maillons importants qui ont à travailler ensemble, à se connaître et à nous reconnaître. Mon expérience, mes mots, mes créations, c’est ma façon de partager, de montrer qu’on peut transformer un parcours chaotique et de donner à ceux qui souffrent de l’espoir. J’espère que je serai une patiente ressource au moins utile ! »
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